Le mois dernier, les élèves du parcours Design Culinaire de la Licence MACAT (métiers des arts culinaires et arts de la table) du pôle de gastronomie de Cergy-Pontoise ont présenté le Dîner « soir des thés », conçu en collaboration avec Maître Tseng* de la Maison des trois thés. Une introduction aux thés, essentielle, leur a permis de se placer dans un contexte historique et gastronomique précis. Chaque duo (composé d’un élève issu de la cuisine et d’un autre venu du design) a dégusté le thé sélectionné par Maître Tseng pour le plat qui lui incombait. Les douze jeunes ont ensuite proposé un menu en six services. Une fois en cuisine, la conception de recettes s’est articulée autour des sensations gustatives ressenties lors de la dégustation.
Le menu : Amuse bouche : Tuile de pain au thé, pickles et purée d’artichaut, physalis au pamplemousse et sphérification inversé de thé. Thé blanc Teng Bai Yin Zhen. Des notes de sirop d’érable, d’abricot et de fleurs d’orchidées qui se prolongent vers le pois de senteur et le parfum de miel d’acacia. Entrée froide : Carpaccio de St Jacques et tartare de langoustine, gelée au thé, vinaigrette acidulée à l’anone et tuile d’encre de seiche. Thé au jasmin Xiao Yin Zhen. Ce thé blanc subtil aux senteurs florales se marie idéalement avec le parfum du jasmin grâce à la technique de l’enflorage qui réunit pour un temps les bourgeons et les fleurs. Une liqueur tout en équilibre et en poésie où les notes de fleur, de fruit, en l’occurrence le longane, la poire mûre et l’annone se mêlent à la douceur du miel. Entrée chaude : Crème et chips de pleurotes, mini-céleris en croûte de pâte à sel, crumble et mousse de lait au thé. Thé Cui Yu. Un thé tout en parfums : des fleurs telles que le magnolia et le lilas blanc embaument sur cette infusion légère et rafraîchissante où se mêlent des notes de courgettes à la vapeur et de petits pois. Plat : Ballottine de volaille à la farce fine d’escargots, morilles, betteraves en croûte de sel, risotto au thé, sphérification inversée d’escargot et jus corsé. Thé Puer millésime 1998. Une liqueur très souple, riche en matière, développant des fragrances tourbées, aux accents de caves et aux notes de sous-bois, de champignons et une légère touche de bois de camphrier. Dessert : Feuilleté à la crème Chiboust au thé, meringue italienne et billes de poires. Thé Oolong Tie Guan Yin 2. Ce thé torréfié offre des arômes boisés, chocolatés subtilement mêlés à des parfums de fruits secs comme le pruneau ou encore la figue. Il laisse une bouche fraîche où les sensations mentholées se développent subtilement. Mignardise : Émulsion au thé rouge et meringue de thé matcha. Thé vert Matcha. Cette liqueur évoque les pousses d’épinard avec une belle note de noisette fraîche et une touche iodée de laitue de mer. Un thé exprimant clairement le goût umami. Thé rouge Bai Se Mao Feng. Une liqueur gourmande aux notes d’abricot sec, de miel de fleur d’oranger avec une légère touche d’agrumes.
Sous l’oeil de Sylvain Lacroix, professeur et créateur culinaire, les étudiants ont construit les accords, dans le souci aigu de sublimer le thé qui leur avait été confié. Les connaissances du chef sur le plan moléculaire ont permis d’enrichir le vocabulaire technique des cuisiniers et ainsi doter les plats de « surprises » sur le plan des textures et des formes. Au moment du service, chaque assiette est arrivée « incomplète » devant les convives et a subi un dressage minute en direct. La croûte de pâte à sel des céleris de l’entrée chaude a donc était brisée devant les invités, la tuile d’encre de seiche a été délicatement déposée sur le tartare de l’entrée froide tout comme un citron vert s’est vu finement râpé sur le dessert… À l’image d’une chorégraphie, savamment orchestrée par le Chef Hervé Lhermet**, responsable du parcours, serveurs et cuisiniers se sont donc relayés durant tout le repas pour produire leur hommage personnel au thé. Car c’est l’un des enjeux du design culinaire : laisser s’exprimer un aliment par son contexte et ainsi amener le goûteur vers une expérience singulière au-delà de la simple consommation alimentaire.
*Le salon de thé de Maître Tseng,place Monge à Paris, n’est pas qu’une simple boutique ; L’adresse propose aussi, une cave unique, constituée de variétés de thés rares et millésimées. À l’image du vin, Maître Tseng choisit chaque pied, surveille la récolte et fait vieillir des thés d’exception dont certains ne comptent pas plus de trois plants dans le monde. A son arrivée en France il y a plus de trente ans, l’hégémonie quasi totale du thé venu d’Inde était si forte qu’elle avait poussé le thé chinois dans l’oubli. Maître Tseng déclare à ce sujet : « Il ne s’agissait pas d’imposer en bloc la culture chinoise du thé, mais d’ouvrir la gastronomie française et européenne à un autre univers.
** Hervé Lhermet est coordonnateur, responsable de la licence MACAT, parcours création et développement en design et art culinaire de l’université de Cergy Pontoise, Professeur certifié au lycée guillaume Tirel » Depuis janvier 2015 nous suivons les élèves de cette licence. Ce reportage est le 3 ème réalisé ; les deux précédents peuvent être regardés ici :
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design culinaire 2
Mis à jour janvier 2019 / Textes et photos Lisa Klein Michel